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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 11:32

La naissance et la croissance du Temple de Londres

 

1Le premier établissement des Templiers en Angleterre fut celui de Holborn près de Londres, fondé avant la promulgation de la bulle d’Alexandre III Omne Datum Optimum (1162) accordant à l’Ordre le privilège de relever uniquement de l’autorité pontificale. Le roi d’Angleterre et duc de Normandie Henry I, répondant à l’appel renouvelé pour la croisade lancée par les ordres militaires (Hospitaliers, Templiers) et les chanoines du St Sépulcre, avait montré sa bienveillance pour les « Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon » (né à Jérusalem en 1118) en accordant l’hospitalité à Hugues de Payns, premier Maître de l’Ordre, dans son fief normand (1128) ainsi que nous le confirme la chronique saxonne. Le roi accorda à son hôte privilégié des dons généreux en or et argent et lui fit savoir que les Templiers seraient les bienvenus dans ses Etats (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse, Irlande), leur accordant le bénéfice de la paroisse de St André (Holborn) comme première maison. On l’appela pour cette raison « Old Temple », nom qui survécut au cours des siècles pour différencier cette première construction du « New Temple » érigé plus tard.

 

2En souvenir de cette fondation fut édifiée une église en forme de rotonde1. La plupart des églises du Temple bâties en Angleterre adoptèrent la même architecture circulaire, y compris celle du nouveau Temple bâtie à Londres au lieu dit Southampton House, parsemé de jardins et de vergers car propriété jusque là des comtes de Southampton, le long de la Tamise.

 

 

3Londres devint ainsi le premier bailliage de l’Ordre où siégeait le précepteur pour l’Angleterre toute entière avec sous ses ordres les commandeurs des autres établissements templiers en Grande Bretagne et Irlande. De nouvelles constructions –un ensemble vaste et complet- virent bientôt le jour à Londres : à la Rotonde primitive fut ajouté un chœur rectangulaire de dimension imposante dans le style ogival soutenu par des piliers de marbre noir et ornés de vitraux gothiques polychromes. L’ensemble, au XIIIème siècle comprenait l’église et ses annexes, sacristie et presbytère, un « hôtel » (demeure du précepteur d’Angleterre), des logements, corps de garde et dépendances telles que caves, entrepôts, citernes et écuries. D’autres terres furent cédées au Templiers sur la rive droite de la Tamise avec des moulins,  des étangs, viviers et terrains en 1166. Plus tard les Templiers construisirent des forges pour leurs armes et chevaux en ces lieux. Les travaux de l’Eglise agrandies et rénovée s’achevèrent en 1185 et le 10 Février eut lieu la cérémonie de la dédicace en l’honneur de Notre Dame et la consécration de l’autel par le patriarche de Jérusalem Héraclius qui s’était déplacé pour la circonstance2. La solennité se déroula en présence du roi Henry II et des principaux représentants de la noblesse et de la cour.

 

Moins d’un demi-siècle s’était écoulé depuis que les Templiers s’étaient installés pour la première fois à Holborn et ils étaient maintenant à la tête de puissantes commanderies et de vastes domaines Outre Manche, acquis par donation, héritage et privilèges royaux. En 1200, environ 40 commanderies ont essaimé en Angleterre, regroupant près de 500 chevaliers et 5000 écuyers, sergents et serviteurs de la « Mesnée » et jusqu’en Irlande et en Ecosse. Citons parmi les commanderies le plus importantes, outre le chef lieu de Londres, celles de Douvres, Hastings, Ramsgate, Southampton, Canterburry au sud, Clarendon, Oxford, Leicester, Lincoln, Winchester, au centre, York, au nord ; en Ecosse : Edimbourg et Inverness ; en Irlande : Dublin, Cork, Galway.

 

Par ordre d’importance la province ou « langue » d’Angleterre ne pouvait rivaliser avec la France, berceau de l’Ordre hors de la Terre Sainte3, qui regroupait les ¾ des chevaliers du Temple avec leur « Mesnies » et plus de 500 commanderies. Mais elles tenaient cependant une place honorable et jouait un rôle politique et financier important car l’Angleterre était au XIIIème siècle l’Etat le plus puissant d’Europe avec la France.

 

4Les signes des faveurs royales envers les Templiers sont nombreux : donation de terres par le roi Etienne et extension des acquisitions domaniales par la suite grâce à la reine Mathilde (manoirs de Cressing et Witham dans l’Essex et de Cawley dans l’Oxfordshire). Henry II poursuivit la même politique de largesse royale donnant l’exemple à de nombreux donateurs privés qui marchèrent sur ses traces alors que Geoffrey Fitzstephen4 était Maître de l’Ordre pour l’Angleterre. Le Temple était maintenant bien implanté en Grande Bretagne et jouissait d’une réputation de vaillance et de puissance non usurpées pour ses actions valeureuses en Terre Sainte au cours de la troisième Croisade. C’est également à cette époque que des prêtres et chapelains furent exclusivement voués à servir la « religion » du Temple en se soumettant à sa règle et à sa discipline sans dépendre d’aucun évêque en Angleterre comme ailleurs, conformément à la bulle d’Alexandre III.  Les chapitres étaient secrets et réservés aux Chevaliers qui pouvaient seuls exercer les charges de trésorier, commandeur, précepteur, sénéchal, Maître de la cavalerie etc. Des hommes mariés pouvaient être reçus comme « hommes d'arme », serviteurs, palefreniers, gardiens, cultivateurs etc. mais aucune femme, pas plus que les enfants jusqu'à 14 ans, ne pouvaient appartenir à l’Ordre.

 

5La plupart des revenus et ressources drainées par l’Ordre en Angleterre, servirent jusqu’à la fin des « royaumes latins » à financier expéditions et croisades tant en Palestine qu’en Syrie Egypte ou Espagne. En cela, l’Angleterre ne dérogea point. Les chefs du Temple en Angleterre offrirent à mainte reprise leurs bons offices pour faire aboutir des négociations politique, réconcilier les adversaires, voire régler des conflits entre royaumes. Ainsi, pendant la minorité du roi Henry III, Alan Martel Maître du Temple en Angleterre fut envoyé en mission en 1224 auprès du roi de France Louis VIII pour négocier une trêve des hostilités entre les deux royaumes. Le jeune roi résidait alors à « New Temple » ce qui souligne la proximité entre le monarque et l’Ordre chevaleresque en qui il avait toute confiance. L’année suivante même, Martel fut sollicité en vue de conclure un accord avec le duc d’Autriche concernant le mariage de Henry avec une fille du duc, mais sans résultat. Dix ans plus tard quand Aliénor (Plantagenêt),  fille du comte Raymond de Provence accéda au trône royal d’Angleterre, le nouveau Maître du Temple Robert de Sandford fut l’émissaire du roi dans une mission de confiance consistant à conduire la jeune épouse dans l’île. A peu de temps de là, Henry choisit « Temple Church » comme lieu de sa future inhumation se plaçant sous la protection de la Vierge Marie et sous celle de l’Ordre à la croix pattée, emblème de la 6Chevalerie. Cette charte fut complétée par un second testament de sa jeune épouse faisant élection de sépulture dans l’Eglise du Temple de Londres5. 3 messes quotidiennes devraient être célébrées par les chapelains du Temple pour le repos de son âme. Son cinquième fils, Guillaume Plantagenêt reçut pour sépulture la même église du Temple (il ne vécut que quelques années). A la même époque fut inauguré le nouveau chœur, orné de magnifiques colonnes, dont la dédicace eut lieu le 24 mai 1240 en la fête de l’Ascension en présence du roi et de la cour6. La cérémonie fut clôturée par un somptueux banquet.

 

 

7.jpgDes vitraux polychromes éclairaient les grandes fenêtres ogivales du chœur, représentant les maitres de Temple en Angleterre : Aymeric de St Maur, Alan Martel et leurs prédécesseurs Geoffroy Fitzstephen et Robert de Montfort. Chaque chevalier était figuré en armes et à cheval, brandissant le beauséant ou étendard du Temple, au sommet d’une lance. Un nouvel autel majeur fut édifié à la même époque au centre du chœur, entouré d’un déambulatoire. Furent ensevelis dans le chœur, surmontés de leurs gisants, Guillaume le Maréchal, Comte de Pembroke, maréchal d'Angleterre et deux de ses fils : Guillaume le jeune7 et Gilbert8 dont on peut aujourd’hui encore admirer les effigies.  Parmi les pierres tombales au nombre de neuf au total plusieurs chevaliers sont représentés les jambes croisées en l’honneur de St André d’Ecosse. Elles sont en pierre et marbre (à l’époque les gisants étaient peints de couleur vive disparues au cours du temps) et leur effigie présentait, étrangement, les yeux ouverts comme pour signifier la « vie éternelle ». Quant au dallage héraldique (détruit lors des bombardements de 1941) d’origine, il figurait l’Agneau Mystique9 et le cheval ailé, ce dernier symbolisant la double vocation : céleste et terrestre de l’Ordre, à la fois monastique et militaire.

Nombreux furent les festins et banquets donnés par le roi en l’honneur des chevaliers de « New Temple » (entre Fleet Street et Westminster) en particulier lors des chapitres les plus importants. Des prélats notoires, comme l’archevêque de Cologne en 1235 ou l’archevêque d’Embrun en 1243 furent les hôtes de marque de la maison du Temple de Londres. C’était l’occasion d’un échange de somptueux cadeaux comme cela fut le cas en décembre 1239, lors de l’élection du Maître du Temple en Angleterre. Pour autant ces fêtes n’étaient pas en faveur auprès du peule londonien qui vivait chichement et reprochait à l’Eglise de lever des taxes trop lourdes. Il faudrait encore mentionner la visite de l’archevêque de Tolède Sanchez, frère du roi Alphonse X de Castille et celle de la resplendissante épouse du prince Edouard surnommée la bonne reine Aliénor (Eleonor). Le jeune prélat espagnol (20 ans) débarqua en grand arroi en Angleterre, revêtu de luxueux vêtements ce qui eut le don d’irriter la populace. Ses appartements du Temple de Londres étaient richement ornés de tapisseries de haute lice, tenture et rideaux. L’évêque était escorté d’une foule de serviteurs et de suivants montés sur des palefrois et des mules. Sa main bénissante portait à l’index un splendide anneau d’or serti d’une gemme (cf. chronique de Matthieu Paris).

 

C’est encore dans l’enceinte du Temple de Londres que Simon de Montfort10 et ses barons en révolte contre l’absolutisme royal, réunirent le Parlement en vue de réprimer les abus de pouvoir du monarque tandis que ce dernier avait cherché refuge dans la Tour de Londres. Cette révolte aboutit à la signature des « Provisions d’Oxford » (1258), confirmant et amplifiant « la Grande Charte » de 1215, impliquant la reconnaissance des libertés traditionnelles par un écrit solennel (notamment pour la levée des impôts).

 

Les activités financières du Temple en Angleterre ne furent pas moindres que celles déployées dans l’ordre politique. Le « droit d’asile » et l’inviolabilité dont jouissaient les églises et maisons du Temple, privilèges confirmés par plusieurs bulles papales ne furent pas pour rien dans le déploiement de ses compétences bancaires. De plus, les établissements de l’Ordre bénéficiaient d’une protection armée qui les garantissaient contre toute exaction. De telle sortes que l’évêque d’Ely, chargé de la gestion de l’Echiquier Royal11 confia à une partie du Trésor à la garde du Temple de Londres à l’époque de la dynastie angevine (XIIIème siècle). Non seulement les joyaux et autres objets précieux furent déposés dans les coffres de « New Temple » mais des sommes considérables en monnaies d’or et d’argent12, provenant des taxes royales et pontificales, des dépôts particuliers et produits financiers des biens fonciers administrés par le Temple.

8.jpgUn cas typiques est celui des levées royales d’impôts confiées à leur gestion comme agent du trésor. Ainsi en 1188  Henry II fit appel à un frère su Temple, Gilbert d’Ogrestan pour collecter la « dime de Saladin », première taxe connue sur la propriété privée en Angleterre. Malheureusement ce frère était une « brebis galeuse » et ses indélicatesses lui valurent de finir sa vie dans les prisons du Temple où il fut gardé dans les fers » (cf. Walter of Coventry). Les Templiers s’acquittaient également du rôle de changeur entre les différentes monnaies ayant cours en Europe et en Orient et, afin d’éviter le transfert des fonds au cours de voyages hasardeux, signaient des « billets à ordre » valables sur toutes le places où ils détenaient des comptoirs. On parlerait aujourd’hui de « lettres de change »  négociables sur tout le marché de commerce. Par de simples « jeux d’écriture » les avoirs gérés par le Temple passaient d’un compte à l’autre sans qu’il soit besoin d’en matérialiser les dépôts. D’autres ressources venaient s’ajouter à ces crédits par le système des prêts d’argent13 et les sommes collectées pour l’entretien de la milice du Temple en Terre Sainte.

A titre d’exemple, le 8 octobre 1212, le roi Jean donna l’ordre aux officiers de l’Echiquier de verser au maitre de « New Temple » la somme de 1000 marcs d’argent en avance de la remise de 10000 marcs ( consentis à l’Ordre pour « sauf conduit ») qu’il avait reçu des Templiers, destinée à son neveu l’empereur Otton IV, fils de la sœur de Jean, la reine Mathilde). Le solde de cette somme (9000 marcs) fut versé par le Temple de Londres dans les mois suivant « rubis sur l’ongle ». D’autres transactions colossales furent effectuées à la même époque entre l’Echiquier et le Trésor du Temple –l’une pour un montant de 20 000 marcs à verser au compte de Salisbury John Fitzhugh, l’autre pour 6000 marcs, à remettre au légat du pape Pandolph, enfin une troisième de 1000 marcs partagée entre Thomas de Erdington et Almeric de Sacy. Tout cela pour les seules années 1213 et 1214.

De son côté, le roi de France Louis VIII reçut du roi d’Angleterre, par l’intermédiaire du Trésor du Temple (payable par le Temple de Paris) la somme de 600 marcs à titre de dédommagement pour avoir renoncé à soutenir la révolte des barons. De la même manière la reine Bérengère passa un accord avec Jean-négocié par les Templiers- qui lui accordait un versement annuel de 10000 livres de rente (payable par semestre à la maison du Temple de Londres). Et ainsi de suite pour d’autres transactions variant entre 500 et 3000 marcs en peu de temps.

9.jpgPendant la minorité du roi Henri III Hubert de Burgh14, alors membre du conseil de la couronne et garde des sceaux, déposa à son tour des sommes énormes à la garde des Templiers, sous couvert du Trésor royal. A sa majorité, Henry III eut toutes les peines du monde à récupérer son argent par le truchement de son trésorier et chancelier de l’Echiquier qui fit dresser un inventaire de la totalité, y compris la vaisselle d’or et d’argent ainsi que les pierres précieuse dont la moindre aurait fait de tout homme ordinaire un heureux gagnant15. Le roi utilisait aussi les Templiers pour encaisser ses créances à l’étranger et les rémunérait à ce titre (Normandie, aquitaine, France). Pour ne citer qu’un seul cas, mentionnons la somme de 10 000 marcs représentant la part du roi d’Angleterre pour la dot de 30 000 marcs offerte à sa sœur Isabelle donnée en mariage à l’empereur Frédéric II (1235).

Le Temple accordait encore des « avances » pour financer les voyages royaux et les séjours sur le continent (Poitou, Gascogne) où le roi détenait des fiefs, en 1242 et 1253. Réciproquement, le Temple réglait les dettes royales auprès des autres princes de la chrétienté (comte de Toulouse, comtesse de Provence,…etc.) Par compensation effectuée auprès de ses divers établissements (Paris, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Florence, Palerme). Les impôts provenant des bénéfices ecclésiastiques étaient encore déposé au Trésor de « New Temple ». Enfin, Le Temple s’acquittait des versements des rentes nobiliaires en l’absence de l'intéressé et des prélèvements issus des revenus du patrimoine foncier des grands seigneurs. Les transactions financières avaient également lieu avec les banquiers lombards.

L’Ordre, à sa décharge, fut l’objet de brigandages, surnommés pudiquement « la clé du roi ». En l’occurrence, le roi Henri III, devenu à ce point désargenté qu’il n’aurait pas « un ½ penny à emprunter ». Comme ses dépenses ne faisaient que croître, nonobstant, ses dettes s’accumulaient. Pour y faire face, Henri trouva un moyen simple et expéditif : sous prétexte d’examiner les joyaux de la couronne, il envoya son fils Edouard, jeune et vigoureux (âgé de 24 ans) accompagné de son sénéchal Robert Waaleran et de plusieurs hommes d’armes, frapper à la porte de « New Temple ». Introduits dans la place, les intrus se précipitèrent dans les caves et ouvrirent de force, avec des barres de fer, les coffres contenant le Trésor, emportant 1000 livres en pièces d’or et d’argent constituant les dépôts de paisibles bourgeois londoniens, ce qui causa un énorme scandale et provoqua des émeutes.

Le Temple se rattrapa en recevant par la suite de nouveaux dépôts et en obtenant du roi Edouard en 1274 le reversement sur ses comptes de deux sommes considérables, l’une de 24974 livres, l’autre de 5330 livres pour faire face à ses dépense en Orient à titre militaire, moyennant ratification de cet accord par le grand Maître. Les choses ne devaient pourtant pas en rester là car un second « pillage royal » se produisit, à la veille de l’arrestation des Templiers en France, courant juillet 1307. Il fut cette fois l’œuvre du nouveau roi Edouard II 10.jpg qui monta l’entreprise avec la complicité de son favori Pierre Gaveston, quelques jours seulement après la mort de son père Edouard Ier, survenue le 7 juillet. Les folles dépenses du prince de Galles tenaient une large part dans cette action. Toujours est-il que le jeune roi réitéra l’exploit de son frère aîné tout en se servant beaucoup plus largement, soulageant le Trésor du Temple de 50 000 livres16 qui vidèrent presque complètement les coffres de l’Ordre. Celui-ci, il est vrai, n’aurait plus besoin du tout de cet argent. L’heure des tribulations approchait. C’est cet épisode tragique qu’il nous faut maintenant relater pour ce qui concerne l’Angleterre.

 

La chute du Temple de Londres

 

11.jpg12.jpgEn 1291 la perte de St Jean d’Acre puis de la Terre Sainte porte un coup dur aux chevaliers du Temple. L’Ordre qui possède de nombreuses richesses devient la proie de Philippe le Bel,  despote habile et cruel. Le roi fait arrêter tous les Templiers de France le vendredi 13 octobre 1307 avec le consentement tacite du pape Clément V qu’il a lui-même  aidé à accéder à sa position. En ces temps d’Inquisition, les mains expertes des inquisiteurs ne mettent pas longtemps à soutirer sous la torture des aveux d’hérésie pour justifier la manœuvre politique de Philippe le Bel. A l’aide de ces preuves il demande à ses homologues étrangers de faire arrêter les Templiers dans leurs pays respectifs, son but étant de « tuer les abeilles pour récolter le miel » (Thomas Fuller).

 

Un clerc confidentiel, Bernard Peletin est envoyé auprès d’Edouard II en Angleterre pour lui faire part des accusations contre l’Ordre du Temple et lui demander d’engager les mêmes actions qu’en France. Edouard II, fiancé à l’une des filles du roi de France, est dubitatif et même stupéfait de cette déclaration. Il en fait part au puissant roi de France le 30 octobre 1307 et partage avec les autres Etats espagnols et portugais son sentiment les exhortant à ne pas toucher à leurs biens tant que la culpabilité des Templiers n’est pas légalement établie. Mais une bulle du pape Clément V (Pro Captione Templarorium) fera fléchir Edouard II. Malgré sa conviction que les Templiers sont victimes de convoitise il les fait arrêter en janvier 1308. Leur traitement reflète cependant le sentiment du roi Edouard II. Ils sont traités avec ménagement. Le maître du Temple de Londres, William de la More, notamment, est libre de ses mouvements et reçoit une petite pension pour subvenir à ses besoins. Le pape émet alors une seconde bulle en août 1308 (Faciens Misericordiam) où il réitère les accusations d’apostasie, d’idolâtrie, de sodomie et de nombreuses hérésies. Il a vraisemblablement eu vent de missives envoyées par Edouard II au Portugal et en Espagne dénonçant une probable convoitise des biens du Temple. Pour appuyer son action, Clément V nomme alors deux inquisiteurs Deodatus, abbé de Lagny et Sicard de Vaur, chanoine de Narbonne pour faire avouer les Templiers d’Angleterre.

 

Le départ de ces inquisiteurs ne se fait que le 13 Septembre 1309 et les interrogatoires conduits fin octobre 1309 sous la supervision des officiers anglais ne donnent rien. Les inquisiteurs frustrés demandent la permission de procéder secundum legem ecclesiasticam et faire usage de la torture. Edouard II y consent le 15 décembre 1309. Il semblerait que les officiers anglais n’aient pas eu le cœur à réaliser cette tâche horrible; les ordres royaux doivent être répétés et les gardes chargés de cet office remplacés. Cependant encore une fois les interrogatoires ne donnent rien. En juin 1310 les inquisiteurs se plaignent qu’aussi longtemps que les prisonniers seront entre les mains des gardes royaux aucun aveu ne pourra être obtenu. Ils suggèrent de retirer les prisonniers de la garde royale et de les envoyer à Ponthieu (en Picardie) qui, bien que territoire anglais, est placé sous l’inquisition et la pleine rigueur de la loi ecclésiastique s’y applique. Le 26 août 1310 le roi Edouard accepte de transférer les prisonniers à Ponthieu sous la garde choisie par les inquisiteurs. Il est décidé que la torture même à Ponthieu ne sera pas tout de suite utilisée mais plutôt après un confinement avec accès restreint à la nourriture et seulement si l’interrogatoire qui s’ensuit ne donne rien. Malgré tout, les Anglais ne peuvent se résoudre à traiter ainsi des personnes qu’ils pensent innocentes et le pape Clément V fait part de son mécontentement le 23 décembre 1310 à Edouard II sur l’obstruction qui est faite au travail des inquisiteurs.

 

Une nouvelle série d’interrogatoires a lieu en Mars 1311, sans succès à nouveau. Dépités, les inquisiteurs changent de stratégie. Ils se tournent vers des témoignages de fraternités religieuses rivales, d’histoires répétées pour étayer leur dossier et le pape Clément envoie un agent pour vérifier si les prisonniers sont aidés, sans résultat non plus. De surcroît, lors de l’assemblée du 22 Avril 1311 où inquisiteurs et évêques de Londres et Chichester sont rassemblés pour entendre les résultats des interrogatoires, Sir William de la More, amené devant les prélats du pape, réitère l’innocence des Templiers en les assurant du respect de leur vœu de chasteté, leur obéissance et leur pauvreté individuelle, et en niant toute hérésie et pratique démoniaque. Cette déclaration étant sans doute peu appréciée par les prélats du pape, il est probable que la torture a finalement été appliquée même si cela ne peut être certifié. Le premier « succès » arrive en juin 1311 quand un templier déserteur est retrouvé et accusé d’apostasie et passe des aveux arrachés sûrement sous la torture car il tombe en pleurs à la fin de ces déclarations craignant de ne pas en avoir assez avoué et de subir de nouveaux tourments. D’autres Templiers céderont ensuite aux interrogatoires.

 

Les aveux ayant été soutirés, l’abolition de l’Ordre est enfin justifiée. Les biens des Templiers sont alors remis aux Hospitaliers (l’Ordre de St Jean de Jérusalem). Ceux-ci louent une partie des bâtiments du Temple de Londres en 1312 à deux collèges de droit qui prennent le nom de « Inner Temple » et « Middle Temple ». Ces deux écoles occupent toujours les lieux aujourd’hui.

 

Arnaldus

 

 

1La rotonde, par son symbolisme géométrique : un cercle s’inscrivant dans un carré, est une analogie de la Jérusalem céleste promise aux élus (éclipse de St Jean)

2La plaque de marbre posée à cette occasion portait l’inscription latine (traduction) : « le 10 février, l’année de l’incarnation de notre seigneur 1185, cette église a été consacrée en l’honneur de la Ste vierge Marie par sa seigneurie Héraclius, par la grâce de Dieu patriarche de l’Eglise de la Ste Résurrection qui, en l’honneure de sa visite accorde au pèlerin visitant ce sanctuaire une indulgence plénière de 60 jours de pénitences en leur faveur ».

3En 1200 le Temple regroupait 9 provinces (outre celle de Jérusalem)

4Dans les documents d’actes officiels, le titre de Magister Militiae Templi in Anglia.

5Par la suite le vœu royal ne devait pas être exécuté et Henry III fut inhumé dans la crypte de la splendide église construite à Westminster et dédiée à St Edouard le Confesseur (1003-1066), premier roi d’Angleterre.

6Le monarque avait offert au sanctuaire l’année précédente, plusieurs vases sacrés en métal précieux (ciboires et calices) afin d’honorer l’Ordre.

7Son second fils, époux de Dame Aliénor (Eleonor), sœur de Henry III.

8Son quatrième fils Guillaume le Maréchal était considéré au Moyen Age comme incarnant « la fleur de la Chevalerie » avec son idéal du beau : panache, loyauté, prouesse et courtoisie.

9Le Christ du Second Avènement de l’Apocalypse de St Jean, portant ‘étendard blanc à croix vermeille de la Résurrection.

10A cette époque les comptes se faisaient sur un échiquier

11A l’apogée de sa puissance, l’Ordre du Temple (toutes provinces confondues) détenait un trésor estimé à plus de 150000 florins d’or, somme fabuleuse pour l’époque faisant des Templiers les plus grands banquiers de l’Europe médiévale. D’où les interrogations sur le destin de ce trésor, mystérieusement volatilisé en 1307.

12Le prêt à intérêt étant en principe proscrit par l’Eglise

13Comte de Kent

14L’inventaire dressé par les officiers royaux fait Etat de 158 coupes précieuses et d’une quantité de joyaux, outre les monnaies d’or et d’argent, mises sous scellés (parmi les pièces d’orfèvrerie et les pierres précieuses, un grand nombre provenaient des taxations imposées aux Juifs du royaume).

15Sans compter le pillage des objets précieux, joyaux et pierreries.

 

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